Face aux risques que font peser les FinTech spécialistes de la désintermédiation des paiements, les grandes banques considèrent que les nouveaux entrants fournissent des solutions plus ou moins identiques et s’appuyant sur les mêmes moyens qu’elles mettent à la disposition de leurs clients. L’exemple venant régulièrement étant, celui de la carte bancaire, ou de l’application Smartphone pour suivre et gérer ses comptes. S’il y a une pointe de vérité dans cette assertion, force est de reconnaître que ce raisonnement atteint rapidement certaines limites.
Les banques semblent toutefois ne pas tenir compte des effets inéluctables d’une plus grande démocratisation et donc d’une plus grande diversité de fournisseurs de services financiers, et qui va accélérer la désintermédiation des paiements. Surtout, lorsque sera effective l’entrée en vigueur de la deuxième version de la directive européenne des services de paiement (DSP2). Si les changements tectoniques ne sont pas pour demain, et qu’il faille probablement plus de temps aux Fintechs afin de remodeler le paysage des services financiers, bancaires ou d’assurances. L’entrée en vigueur de ce texte atteindra son objectif tôt ou tard, à savoir favoriser la concurrence en libéralisant le marché de la fourniture de services financiers.
La désintermédiation des paiements transforme les usages
Les usages sont déjà en train de se transformer, et si auparavant les utilisateurs avaient une relation avec une seule et unique institution financière durant la majorité de leurs vies. Dans la banque à papa, l’établissement bancaire fournissait alors l’ensemble des services afin de répondre à leurs besoins. Aujourd’hui ce modèle est clairement dépassé, car il n’est pas rare de posséder plusieurs comptes bancaires répartis dans différents établissements. Inutile de dire que cette tendance se confirmera inévitablement à l’avenir, avec la possibilité pour les utilisateurs de souscrire une multitude de services spécialisés complémentaires, auprès d’autres acteurs.
Le danger guettant les établissements bancaires traditionnels et acteurs historiques du paiement ou de la finance, c’est de minimiser cette inexorable libération. En effet, les utilisateurs d’aujourd’hui ne ferment pas systématiquement leurs comptes bancaires, nombre d’entre eux continuent à utiliser les services associés. Donnant la fausse impression aux banques classiques, que le transfert d’activité reste marginal, un réflexe partagé par les néo banques bien que celles-ci représentent pour de nombreux utilisateurs une solution d’appoint. Car plus qu’ailleurs lorsqu’il s’agit de financer de confier son argent, la confiance est indispensable, et les Fintechs manquent cruellement de confiance, jusqu’au jour où celle-ci sera là, l’on assistera lors à une véritable rupture du modèle bancaire tel qu’on le connaît depuis près d’un demi-siècle.
Les données personnelles sont désormais le nerf de la guerre
Depuis l’avènement des FinTech, les signes de changement sont pourtant d’ores et déjà visibles, les relevés d’opérations bancaires affichent de plus en plus de transactions réalisées avec Apple Pay, PayPal, N26, Revolut, Compte Nickel, Lydia… Nul n’est plus aveugle que celui qui ne veut pas voir, et les conséquences pour les banques sont dramatiques. Tandis que le vrai danger de la désintermédiation des paiements pour ses acteurs historiques, c’est de voir s’envoler de précieuses informations sur les comportements de leurs clients, bénéfices de ces jeunes pousses avides de données afin de conçoit des produits en partant des besoins des clients, contrairement à l’approche top Down comme ce fut le cas pendant les dernières décennies.
Car désormais le vrai combat prend place sur le champ de bataille des données personnelles ou métadonnées. Qui sont ni plus ni moins l’actif le plus précieux dans notre monde basé sur l’information, sa circulation, son partage, etc. ainsi, les données personnelles sont au cœur des métiers et modèles économiques de demain, que ce soit dans la nécessité de parfaire la connaissance des utilisateurs, condition sine qua non pour offrir le meilleur service au meilleur moment.
La FinTech ne s’attaque pas à la seule désintermédiation des paiements
Or à ce petit jeu, les FinTech ont plusieurs longueurs d’avance sur les établissements bancaires, du moins au niveau du minage et du traitement des données grâces aux progrès effectués dans la programmation d’algorithmes, du développement d’API. Autant d’éléments qui sont les briques indispensables pour concevoir une intelligence artificielle.
À l’inverse, les banques et institutions financières ont un avantage indéniable sur les jeunes pousses, puisqu’elle possède une quantité phénoménale de données acquises au cours de toute une vie de transaction pour certains clients. Or, avec la multiplication des nouveaux entrants – surtout quand ils se positionnent en intermédiaire de la relation avec le client – les sources risquent, sinon de se tarir, du moins de s’appauvrir à un point où la valeur captée s’évapore.
Pour les établissements qui persisteraient à ignorer la menace de la désintermédiation, le danger n’est donc pas uniquement de perdre une partie du contact direct avec leurs clients. L’autre danger plus sournois qui les guette, c’est la perte de tout moyen leur permettant de mieux les connaître, alors que les méthodes traditionnelles de communication via un conseiller client montrent leurs limites. Il devient dès lors difficile de répondre à leurs attentes de personnalisation de la relation, là où les challengers disposent d’autres approches, notamment avec les robots Advisor, l’intelligence artificielle animant les conseillers financiers personnels.
En définitive, la banque sera réduite à sa seule substance, à savoir sa position de tiers de confiance et le seul atout du point de vue de ses clients : la confiance dans sa capacité à conserver en sécurité leur argent, bien que cette confiance aveugle des clients quant à la sécurité des fonds confiés à une banque se discute… ce sera l’objet d’un autre article. La banque de demain pourrait bien ressembler à une sorte d’usine industrielle, capable de gérer dépôts, épargne, portefeuilles d’investissement… et de produire des crédits pour le compte d’acteurs qui, eux, détiennent encore suffisamment d’information sur leurs utilisateurs pour ajuster leurs offres à leurs besoins, avec la bonne solution au bon moment et dans des conditions optimales.