Dans l’histoire des banques en France, jamais depuis leur existence, le métier de banquier n’aura connu de tels bouleversements en si peu de temps. Les fameuses FinTechs sont les vecteurs de cette révolution qui n’en est qu’à ses premiers effets. L’Ubérisation de la société, de l’économie est menée par ces start-ups regroupant technologies et finances, à qui l’on doit les cartes bancaires prépayées, et les comptes sans banques, le financement participatif. Cette série d’article retrace l’histoire des banques en France, de leur naissance au Moyen Âge, à leur essor à la fin du 19e et leur démocratisation durant le XXe siècle, jusqu’à nos jours avec l’invention de la banque 2.0.
L’histoire de la banque en France
La France contrairement à ses voisins l’Italie, La Suisse, et la Hollande a connu un développement tardif des activités bancaires. Alors qu’au Moyen Âge ces quelques pays utilisaient déjà des outils bancaires, tel que le change manuel, l’utilisation des lettres de change pour transférer des fonds, des opérations de crédit et de roulement de crédit, des dépôts, des virements et même des placements financiers.
C’est en Italie que la crème de la crème des méthodes bancaires est inventée. En France, la structure de l’économie basée essentiellement sur une agriculture de subsistance, est peu propice à la participation dans les échanges internationaux, ce qui empêche l’essor d’une proto-banque. D’autant plus qu’à l’époque en France, la mentalité collective de la fille aînée de l’église, est sous l’influence des prêtres qui ne voient pas d’un très bon œil tout ce qui a rapport à l’argent, à la richesse, au prêt à intérêt qui est vu comme de l’usure. Les banquiers et autres manipulateurs d’argent sont catalogués comme personnes suspectes, et sont pointés du doigt dans des sermons.
Il faudra attendre le XIIIe siècle pour que l’histoire des banques en France débute. Notamment, avec l’essor du commerce grâce à la notoriété grandissante de foires comme celle de Champagne, ou sous l’impulsion de places commerciales tenues autour de grands ports comme celui de la ville de Lyon, de Bordeaux, St Malo. À la même période le pouvoir royal à des besoins financiers considérables, et cherche donc à se financer en dehors des emprunts faits à l’ordre des Templiers.
Les banquiers en France sont à l’époque, pour la plupart des étrangers, et sont marginalisés. À Paris, la rue des Lombards doit son nom à la communauté de banquiers qui l’habitait, les Lombards. En effet, ces banquiers étaient surtout des Italiens du piémont, et des Juifs. Certains Français se lancent aussi dans la banque, même si pour la plupart, il s’agit bien plus d’une aventure exotique que d’une activité économique productive, et noble.
l’histoire des banques en France, avant la révolution
Dans l’histoire de la banque en France, le début du XVIIIe siècle est à marquer d’une pierre blanche. C’est à cette période (1716-1720) que, l’économiste britannique John Law contribue à l’essor de la banque en France. Même si cette première expérience monétaire en France est un cuisant échec. En effet, John Law expérimente l’assouplissement monétaire en permettant à la Banque générale, d’émettre des billets de banque, la monnaie créée à partir de rien, doit permettre de soutenir le crédit public, aggravé par les guerres du roi Louis XIV, tout en réduisant la dette de l’État. Mais aussi à favoriser la reprise économique en fournissant du crédit commercial. Les spéculateurs, et une émission incontrôlée de monnaie fiduciaire auront raison du système qui s’effondrera dans le premier Krach boursier de l’histoire des banques en France, ce qui ternira la réputation du secteur bancaire pendant des décennies.
Pour autant, les problèmes inhérents à la gestion d’un État, devant sans cesse se refinancer, et les progrès de l’économie poussent la société française à organiser progressivement une structure de crédit solide, et donc provenant de sources diverses. C’est sous le règne de Louis XVI, que cette réflexion a lieu, et mènera à la création d’escompteurs et banquiers dans les petites villes de province, leur rôle est d’assurer la circulation des effets de commerce, ils proposent aussi du crédit commercial. Dans les grandes villes, les premières grandes maisons de banque s’installent. Les plus puissantes se trouvent à Paris, Lyon, Bordeaux ou en Bretagne à Saint-Malo. Ces maisons de banque offrent de nombreux services pour l’époque, fournissent au roi du crédit international, interviennent en bourse, financent le commerce international, fournissent des contrats d’assurance pour le transport maritime. Elles investissent aussi dans les premières entreprises individuelles, notamment dans l’armement. En 1776, Anne Robert Jacques Turgot administrateur des finances sous Louis XVI, crée la Caisse D’ Escomptes, son administration sera confiée à un conseil constitué des plus puissants banquiers français. C’est la reconnaissance du secteur bancaire en tant que tel, un secteur d’activité insolent de prospérité avant que ne survienne la révolution française.
La période post révolution Française
En 1789, lorsque la révolution française éclate, celle-ci est accueillie positivement par la majorité des banquiers, toutefois l’instabilité va avoir un impact négatif sur les conditions d’émission du crédit. Ainsi, les remous suite à la révolution, les guerres en Europe entraînent la fuite des capitaux détenus par les investisseurs étrangers. Mais aussi et surtout, une hostilité de plus en plus grande du peuple à l’égard d’une classe considérée comme privilégié, auquel appartient le monde de la banque, et des manieurs d’argent en général. Ce contexte hostile, pousse de nombreux banquiers à liquider leurs affaires, il faudra attendre la chute de Robespierre, et la fin de la période post révolutionnaire, pour un renouveau de la banque en France.
La nécessité de grandes quantités d’argent, pour financer l’État à crédit, va permettre le retour sur le devant de la scène des grands banquiers. À l’aube du XIXe siècle, en 1800, les banquiers français vont fonder avec l’assentiment de Bonaparte, la Banque de France. Les prérogatives de la BDF seront l’impression de billets de banque, la gestion des opérations d’escompte et d’avance sur titres, et donc la production de crédits centralisée. L’empire souvent en guerre met à mal ces nouvelles structures de crédit, ce n’est qu’à l’effondrement de celui-ci que le secteur bancaire va réellement commencer à se développer. Grâce à l’impulsion de la Haute banque, née durant la première moitié du XIXe siècle, c’est un groupe constitué d’un peu plus d’une douzaine de banques parisiennes. Des établissements détenus par les premières riches familles de l’histoire bancaire de France.
1800 1860, l’âge d’or de la haute banque
La période dite de la haute banque s’étend de 1800 à 1860, ainsi l’histoire des banques en France est marquée durant la première moitié du XIXe siècle, par une vingtaine de maisons banquières parisiennes se regroupant pour former la Haute Banque. Parmi les très riches familles de banquiers, l’on pouvait nommer les Rothschild, les Mirabeau, ou encore les Mallet. Durant la période de la Haute Banque, les chefs de ses véritables familles d’autos entrepreneurs n’hésitaient pas à investir leur fortune personnelle pour jouer un rôle actif dans le financement de l’économie nationale, mais aussi dans le négoce international.
La Haute Banque française a rapidement noué des relations étroites avec les principales places financières européennes, notamment avec la City de Londres. Parmi ces marchands banquiers, James de Rothschild est le plus puissant représentant. Son sens aigu des affaires, la solidarité l’unissant à ses frères, et une capacité de travail hors du commun, vont l’aider à développer la banque du même nom, qui est pour l’époque l’une des banques les plus en avance sur son temps.
À côté des représentants de la Haute Banque, la France disposait au début de la IIIe République d’un dense tissu bancaire, composé d’environ 2000 banquiers locaux. Leur rôle malgré leurs moyens limités est de refinancer l’économie locale, ces structures bien que très autonomes peuvent s’appuyer auprès d’une succursale de la Banque de France afin de financer des projets de plus grande envergure. Progressivement, ces escomptes locaux vont disparaître après 1930, ce qui portera un coup dur au développement de l’économie dans les régions de France. En effet, ces banquiers locaux étaient proches de leurs clients et étaient capables d’accompagner les entrepreneurs honorables, capables de rembourser leurs crédits.
Pour la première fois de l’histoire des banques en France, le pays est doté d’un système bancaire équilibré, composé de petits banquiers et gros banquiers. Toutefois, la profession n’est pas encore regroupée au sein d’une corporation regroupant les acteurs de ce secteur d’activité. Comme c’était déjà le cas en Angleterre où les grands établissements bancaires créés sous la forme de société anonyme par action, disposaient déjà d’un solide réseau de succursales dans tout le Royaume-Uni. L’avènement en France des grandes banques de dépôt, va bouleverser l’organisation équilibré mais fragile du système bancaire français.
Les grandes banques font leur entrée en scène
La crise économique de 1848 va jouer un rôle clé dans l’histoire des banques en France. De nombreux banquiers vont faire faillite, et laisser la place aux Grandes Banques, qui vont prendre leur essor à partir de 1860. La révolution politique qui accompagne cette crise profonde du Franc, pousse l’état à intervenir afin de créer des comptoirs d’escompte, dont le plus célèbre est celui de la capitale. L’on s’aperçoit durant cette période de crise que les entrepreneurs pour survivre ne peuvent se reposer sur l’autofinancement seul.
En effet, les banquiers locaux malgré leur fortune ne possèdent pas de moyens illimités, ce qui empêche de faire face à une demande de crédit jamais vu auparavant. Car, avec la signature d’un traité de libre-échange en 1860 entre la France et l’Angleterre. L’industrie française afin d’être compétitive face à ses concurrents d’outre-Manche, va devoir mener une modernisation coûteuse de son outil productif. Les grandes banques françaises, le Crédit Lyonnais et la Société Générale naîtront respectivement en 1863 et 1864. Elles vont investir pour construire un réseau d’agences dans toute la France, et utiliser des commerciaux, et la publicité pour toucher tous les Français.
Tout comme leurs homologues britanniques, l’objectif est d’attirer l’épargne des Français, et partir à la chasse aux dépôts, elles vont proposer des services novateurs. Parmi lesquels le carnet de chèques, les services de titres. Le Crédit Lyonnais est la première banque française juste avant la guerre 14 18 avec plus de 600 000 titulaires de comptes. Le travail de ces grandes banques va permettre à l’économie française d’obtenir des crédits commerciaux en quantité et à très bon prix.
Malgré ces avancées, parce que ces grandes banques de dépôt proposent à leurs clients de nombreux titres étrangers, dont les fameux emprunts russes. L’État estime que le secteur bancaire n’investit pas assez avec l’épargne nationale dans des secteurs clés pour l’économie française. L’État va donc peser de tout son poids pour la création de caisses de crédit agricole. Une loi sera votée en 1917 pour favoriser le développement des banques populaires.
Première guerre mondiale et premier Bank Run
La première guerre mondiale plongera les banques françaises dans de grandes difficultés, les banques de dépôt devant faire face à un Bank Run. Il faudra l’aide de l’État, avec un décret autorisant les banques, assaillies de demandes de retrait, de ne rembourser que progressivement les dépôts. Ce qui aura des conséquences terribles pour l’image de la profession, avec une perte de confiance du public. Les ravages de la guerre avec une inflation hors de contrôle vont mettre à mal le franc, ce qui va accélérer la fuite des capitaux. De nombreux épargnants français sont ruinés par les emprunts russes que l’URSS refuse de payer car estimant que ce sont des dettes de la Russie tsariste.
Dans l’histoire des banques en France, la période d’entre-deux-guerres sera un virage difficile à négocier. La Haute Banque va se contenter de fructifier les positions prises auparavant. Tandis que les banques d’affaires vont s’intéresser aux colonies, et se tourner vers les pays d’Europe centrale et orientale. Les banques locales et régionales vont à partir de 1920 devoir se réinventer, notamment dans les opérations de financement des petites entreprises industrielles. Il faudra tout de même attendre 1928 avec la stabilisation du franc par Poincaré pour que la situation des banques en France se stabilise.
Le début de la Grande Crise de 1929 va faire beaucoup de victimes dans le secteur bancaire, notamment parmi les banques locales et celles nouvellement créées ayant prêté un peu trop généreusement aux industriels durant le boom économique des années folles. 1931 sera l’année d’une hécatombe dans l’histoire des banques en France, ¼ des banques locales en France font faillite, tandis que qu’une seule grande banque systémique est menacée, elle sera liquidée par le Trésor public. Qui la remplacera par la banque nationale pour le commerce et l’industrie. Le secteur privé étant devenu moribond, cela laisse un boulevard pour plus d’interventionnisme de la part de l’État français.
L’État donne plus de pouvoir aux banques populaires et caisses de crédit agricole, en 1936 le Front populaire mène la réforme de la banque de France, en mettant un terme à la nomination à sa tête de banquiers régents, l’État contrôlant désormais les émissions. La seconde guerre mondiale sera une période noire dans l’histoire des banques en France, l’effondrement de l’activité économique, avec une crise de l’offre, l’Occupation menant à la spoliation des comptes des déposants juifs, avec l’aide de l’État de Vichy. La loi du 13 juin 1941 mettra un terme au régime libéral des banques françaises, avec la mise en place d’institutions, qui seront reconduites après la libération. La France compte alors 550 banques.